On me connaît sous bien des noms, bien des aspects. On me sait hors de mon temps, ou alors figée dans un espace faisant que le reste de l’humanité vieillit, flétrit et meurt sous mes yeux. Je suis Diana de Themiscyra, fille de Hippolyta, reine des Amazones. Fille de Zeus, jalousée et donc haïe de sa première femme, Héra. Une demi-déesse, comme l’appellent les historiens. L’on raconte que dans sa grande mansuétude, Zeus a offert à ma mère l’objet de ses désirs, cet enfant. Ou bien est-ce par une autre de ces liaisons extra conjugales dont le roi des dieux grec a le secret, que j’ai vu le jour. La vérité ne m’a jamais été donnée et quand bien même, cela ne changeait en rien ma naissance, ni ma nature.
Princesse de par mon sang, mais aussi des responsabilités qui me sont incombées depuis par les enfants élevés au rang de divinité, j’ai donc grandi parmi les amazones.
Je me suis élevée, renforcée, autant dans l’éducation rigoriste et stricte de notre peuple de femmes guerrières, que dans les cadeaux offerts par certains des enfants de Zeus. Et je suis cette guerrière forte, implacable, pour le juste se doit d’être défendu. Assoiffée de connaissance, j’ai toujours eu à coeur de voir au delà d’une île que j’avais depuis traversée de parts en parts un nombre incalculable de fois. Je savais qu’au delà se trouvaient les hommes, interdits sur nos rivages.
Car la réalité de la haine vouée par notre peuple n’est que peu connue, ou a été édulcorée par les contes et légendes d’antan. Celle où, ma propre mère aurait été tuée durant le vol de sa ceinture, et son peuple aveuglé par la folie d’Hera. Tout cela est faux. Hercules a , de son vivant, ridiculisé ces femmes. Il a voulu faire de ce peuple les esclaves des maux les plus primaires de l’homme.
Et ma mère, grâce à l’aide d’Aphrodite, a récupéré sa ceinture, étranglé l’impétueux et réclamé la scission de notre peuple avec le monde injuste des hommes. Ainsi est née il y a fort longtemps Themyscira, cité des Amazones, fierté de tout un peuple de femmes affranchies des lois des hommes, vivant dans la paix, le respect de la nature et de ses pairs. J’ai fait partie des meilleures guerrières, bercée par les dons de ces frères et soeurs divins, et par l’immortalité de mes parents. J’ai grandi en ayant un regard sur ce monde, qu’aucune n’a osé avoir jusque là, car Athéna m’a chuchoté, m’a appris. Elle m’a montré un soir la Sphère d’Hyppolite, ce qui se cachait au-delà de cette île. J’ai ainsi gardé le secret, en proie au doute pendant nombre d’années encore, avant que ma mère ne m’en fasse part par morceaux. Et ainsi, durant ce que l’on peut apparenter à une adolescence chez le commun des mortels, j’ai su. Pour le monde des hommes, pour sa cruauté, mais aussi cette beauté que ma mère se refusait à voir, en raison de celle quasi parfaite de Themyscira.
Puis, la guerre des hommes est venue à nos portes en la personne  de Steve Trevor. Un homme. Un homme que j’ai découvert en battant de nouveau l’entièreté de notre île, échoué sur cette plage, à l’article de la mort. Et derrière lui, la folie. Des navires, des soldats, traversant notre terre prospère pour détruire. Nous les avons repoussés sans mal, mais nous savions qu’à présent, la barrière nous séparant du reste, avait été pour une raison inconnue, affaiblie.
J’ai soigné Steve. Blessé par la guerre, la guerre que se font sans relâche les hommes pour assouvir une forme de domination sur leurs semblables … et pourtant, malgré ce constat, oui, je l’ai aidé. Portée par ma compassion, mais surtout ma curiosité de cet au-delà. Je l’ai sauvé, contre l’avis de ma mère, de mes soeurs, et de mon amante de toujours, Mala. J’ai défié les lois établies pour aller au-delà de la barrière, et voir de quoi était fait ce monde dans lequel Trevor se battait bec et ongles pour survivre, et protéger ce qu’il nommait son pays. 25 millions de morts, ce constat effarant me laissait à penser qu’Arès était derrière tout cela, j’en avais l’intime conviction, ne me doutant pas que l’Homme pouvait être cruel envers le reste de ses égaux. Ainsi ai-je découvert la guerre, dans toute sa bestialité. Arès avait certes joué son rôle comme je l’avais répété à Steve, mais l’humanité n’avait aucun état d’âme à placer certains au-dessus des autres, et se montrer injuste et ce, face à des millions d’innocents ne cherchant qu’à vivre, dans un monde pourtant magnifique.
J’ai combattu aux côtés de Steve et ses camarades, pour arrêter l'étendue d’un gaz pouvant causer la fin de leur espèce, mais aussi de mes sœurs restées sur Themyscira. J’ai vaincu Arès, bien que cela a été au prix de la vie de Trevor, que j’ai appris à respecter, mais aussi à aimer. Endeuillée, mais certaine de pouvoir aider les hommes à trouver cette paix dans laquelle j’ai grandi un jour, j’ai décidé de rester parmi eux, et agir à mon échelle durant les décennies qui ont suivi.
Je suis alors devenue officiellement Diana Prince pour ce monde, restauratrice d'œuvres d’art. Avant que l’on ne me donne le nom de Wonder Woman lors de mes apparitions musclées pour régler les conflits ou sauver ceux que l’on oublie trop facilement. Environ soixante ans ont donc passé avant qu’un contact direct ne soit établi entre ma personne et ceux qui constitueront le socle de la Ligue des Justiciers.
Superman, Batman. Nous avons été. Nous avons combattu contre une entité qui aurait pu mettre en péril l’humanité, une entité créée par la folie de quelques-uns. Et nous avons décidé d’agir ensemble pour nous permettre de confronter cette folie, pour tomber, encore et encore si la défaite a tôt fait de se profiler. Mais cette fois, nous ne le ferions pas seuls, nous aurions quelqu’un pour nous tendre la main et nous permettre de nous relever. C’est en tout cas comme cela que j’ai vu la création de la Ligue, au-delà du simple aspect de nous regrouper pour être plus forts et à même de nous battre contre tout. Comme un moyen de connecter les justiciers, et leur rappeler qu’ils ne seront jamais seuls.
Ainsi sont arrivés Cyborg, les Green Lantern John Stewart et Hal Jordan, Flash, Hawkgirl, Green Arrow et Black Canary. Nous avons créé cette base culminant au dessus de la planète Terre, où chacun d’entre nous peut coordonner ses mouvements, et requérir l’assistance de tout un chacun. Comme Clark et Loïs, avec Jon. Comme Hal ayant succombé à Parallax, suite à son sacrifice. Comme Kendra ayant perdu sa mémoire, et n’ayant plus d’identité propre. J’ai aussi pris sous ma coupe Jon comme Jason Todd, alors devenu Robin, pour les aider dans leur situation propre. J’ai appris à les aimer, comme ces frères que je n’ai jamais eu en raison de mon aspect unique, et du fait que même sous le don de mes frères divins, je ne restais qu’une demi-déesse trop accrochée aux humains. Du souvenir de Trevor que j’avais perçu comme la possibilité à l’humanité de faire le bien pour le plus grand nombre, j’ai retiré un amour inconditionnel pour ces enfants, et prouvé à moi-même comme à mes sœurs amazones ce qui est, au-delà des terres de notre île.

J’ai aimé, bien des fois. Parfois à coeur ouvert, dans des amitiés sincères que jamais je n’aurai crues possibles. Swamp Thing, Jason, Jon, Cheetah, Clark. J’ai aimé en silence aussi, des gens dont je tais encore les noms, et qui pourtant dans la fin m’ont accompagnées quand La Fin de Tout fut proche. J’ai été reine, j’ai été déesse d’un monde mourant, pour lequel j’ai pleuré la perte de sa nature, d’un kryptonien, et les dernières combattantes acharnées suivant encore nos principes, nos espoirs. Jusqu’à ce que Darkseid frappe, et n’enlève les dernières branches et feuilles. Jusqu’à ce que je vois Clark mourir avec le voleur, et ne détruise le soleil. La ceinture de Batman sur mes hanches, la cape de Clark sur mes épaules, le dernier don de Swamp Thing dans mon coeur, l’anneau de Hal pendant sur ma nuque, j’ai dit adieu à tout, traversant cet espace vide, seule. Seule à devoir combattre la Fin de Tout, entendre les échos de ma propre voix, de mes souvenirs, de mes regrets. Retrouver quelques débris ici et là, jusqu’à ce que cette entité ne les engouffre pour effacer la mémoire de ce qu’il nous reste, ne pas nous donner l’espoir de vivre encore une fois. Sans doute parce qu’elle sait, que l’espoir peut-être vie comme poison, et que le poison peut nous corrompre. alors elle a agi pour tout engloutir, tentant à son tour de m’effacer. J’ai tout de même continué, jusqu’à rejoindre l’incarnation de la vengeance dans le vaisseau vide de Brainiac, qui lui aussi n’est plus.

Spectre et moi-même étions les derniers vivants d’un tout. Mais lui aussi était amené à disparaître car seule la curiosité de ce qu’était la Fin de Tout le faisait subsister. Dernière conversation, derniers échos d’une voix avant que je ne sois seule pour de bon. Je lui ai dit qu’il avait fait son devoir, que la vengeance n’était plus. Je lui ai donné la possibilité de partir tranquillement, sans qu’aucun doute ne le retienne dans ses derniers instants. Une étreinte, une parole, lui qui m’assure que cela lui a fait du bien d’être dans ma lumière, avant qu’il ne s’efface. Comme lui, dans cette dernière émanation, avant que la Terre ne disparaisse durant l’ultime bataille. Et la déesse était seule, sans rien. Plus de création, plus de réunification. Plus personne pour croire en moi, si ce n’est ma propre personne. Et face à la Fin de Tout, j’ai encore combattu, jusqu’à me faire à mon tour engloutir, n’être pleurée par personne dans ma mort … Mais même durant celle-ci, j’ai combattu. Les bracelets ont brillé d’une lumière qui auparavant n’a jamais été, et dans le néant, je les ai frappés dans un dernier geste. Pour la vie, pour l’espoir, pour ce combat perpétuel dans lequel ces deux mots persistent malgré tout. Big Bang, comme l’appelaient les humains, et de mon sacrifice, de cette justice n’ayant cessé de m’animer est né le nouvel univers.

Tout du moins, c’est ce que j’ai cru, avant de me rendre compte que j’étais vivante. Le sacrifice pour la vie n’était plus, mes pouvoirs de déesse, mes reliques tenues contre mon coeur ou mon corps, disparus. Pourtant, la vie était. J’étais, au milieu de Métropolis, voyant à nouveau les balles voler, moi qui les faisais à nouveau ricocher contre les bracelets pour protéger les faibles visés par les injustes. Dans la confusion de mes souvenirs encore vivaces, face aux gens que je croyais alors morts dans la guerre ou que j’avais vu vieillir, je ne savais plus quoi penser. Et pourtant, la vie continuait. Le monde que j’ai toujours chéri est à nouveau là. Et je me laisse emporter par son flot, sa chaleur, en cachant à tout un chacun cette mémoire qui reste, m’obsède, m’angoisse. Car la mort, le deuil de beaucoup de choses, même si ils ne restent que souvenirs, ne s’efface pas ainsi. Même en vie, en cet instant, je me sens encore seule, face à la Fin de Tout.